Le Mystére de Marie Roget – deuxième aventure du Chevalier Dupin – d’Edgar Allan Poe s’inspire d’une affaire criminelle. Le polar puise souvent sa matière dans les faits divers. Le « true crime story », et les docu-fictions, doivent aussi beaucoup à Truman Capote (De sang froid) ou Rodolfo Walsh (Opération Massacre). Le genre est traversé par des œuvres importantes (lire Les lumières de l’aube de la romancière américaine Jax Miller et Les milles et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes) ; L’Odeur du sang de Yannis Ragos apporte sa pierre à l’édifice.
L’enquête retrace de façon méticuleuse les vols et meurtres perpétrés par deux ressortissants allemands dans la Grèce des Colonels (la dictature de 1967 à 1974). Le style – Yannis convoque Patricia Highsmith en postface – est à l’image des deux protagonistes : froid. L’époque prend vie dans les détails, alternant entre la vie des deux meurtriers et l’enquête de police. Cette affaire aborde un champ large : la psychanalyse, la sociologie et le politique.
Yannis Ragos connaît son sujet. Il l’a déjà travaillé pour la télévision (reportage et téléfilm). Il a consulté de nombreux articles de journaux, de dossiers judiciaires et les libellés du procès. Mais il a aussi réalisé des entretiens en Grèce et en Allemagne avec celles et ceux qui ont vécu l’affaire. Il réussit à transformer cette matière en un roman policier qui vous fera goûter à la dictature et au parcours de vie de deux tueurs en série.
Emeric Cloche.
Yannis Ragos, L’odeur du sang, traduit du grec par Isabelle Berrivin-TLoupas pour H&O éditions, 2023, 384 pages, 21 €.