Nous avions aimé (beaucoup) Calcaire, et Manger Bambi, ses deux romans noirs. La pouponnière d’Himmler de Caroline de Mulder sort aujourd’hui dans la « blanche » de Gallimard.
Vous faites peut-être partie des lecteurs qui se disent « la seconde guerre mondiale, très peu pour moi ». Il y a parfois des thèmes que l’on trouve rebattus, ou qui ne nous font pas envie. Attention, vous passeriez à côté d’un excellent roman. Alors, comment l’autrice s’y prend-elle pour nous captiver ?
Il y a sans doute d’abord son écriture, dépouillée de tout effet appuyé. Heureusement, car les faits dramatiques dont elle parle n’ont aucun besoin d’emphase. Il y a aussi le suspense simple qui traverse tout le récit : comment les personnages vont-ils s’en sortir ?
L’histoire se situe dans une demeure tranquille près de Munich. Deux jeunes femmes y vivent et racontent. Helga, infirmière dévouée aux mères et aux enfants. Renée, jeune française enceinte d’un soldat allemand. Les enjeux de l’Histoire les rattrapent. Et puis, au fond du jardin de cette grande propriété, Marek porte l’uniforme du prisonnier. La vie de chacun témoigne d’un projet fou, en cette année 1944.
La situation est vécue différemment par chaque personnage, selon sa conscience et sa position. L’infirmière fait partie d’une machine dont elle réalise progressivement les implications. Renée n’a sa place nulle part, enceinte d’un enfant symbole du rejet. L’autrice montre la vie de ces femmes prises dans cette tragédie, le projet terrible d’un pays pour fabriquer ses enfants. La pouponnière d’Himmler vous saisit, jusqu’à son issue poignante.
Caroline de Benedetti
Caroline de Mulder, La pouponnière d’Himmler, Gallimard, 2024, 288 p., 21,50 €