Pascal Dessaint nous convie à une enquête autour d’un fait divers. Rien d’étonnant pour un auteur de roman noir qui a derrière lui toute une œuvre. Mais depuis Un drap sur le Kilimandjaro (et même avant cela avec Journal de Grèce) nous savons que Pascal écrit des chroniques et des récits où il se livre, mine de rien, avec une légère auto-dérision empreinte de tendresse.
« Un sittelle piaule quelque part derrière moi. »
Cette femme qui a disparu dans les Cévennes le ramène à ses lectures, sa vie passée, des scènes de films et des considérations d’écrivain, de randonneur, d’ornithologue, de… bon vivant. Lire Une femme sauvage c’est à la fois s’interroger avec l’auteur sur la disparition, la solitude, la nature et l’humanité ; c’est aussi se replonger dans d’autres livres, d’autres films… C’est s’échapper, « franchir la lisière », répondre à l’appel de la nature. La nature comme refuge, la nature comme danger. Une nature que Pascal Dessaint connaît bien (les lectrices et les lecteurs savent qu’il lui consacre une large part de son œuvre), une nature (magie de la littérature) qu’il fait vivre et bouillonner sous nos yeux avec un vocabulaire précis et évocateur, les mots du naturaliste.
« À cet instant, entend-elle, comme moi, le bombillonement de ce bourdon, les roulis de gorge de ces guêpiers en migration, ce curieux cri de cochon qui parfois résonne dans la vallée ? »
Cette disparition, cette femme qui redevient sauvage, c’est aussi l’histoire de lieux. De recoins cachés au cœur des Cévennes. C’est l’histoire des autres, celles et ceux qui ont vécu ici, qui vivent encore là. Le fait divers, qui n’est pas seulement un fait de diversion quand il est traité de cette manière, permet d’en apprendre beaucoup plus qu’on ne le pense. Le traitement poétique et littéraire, philosophique, que Pascal Dessaint déploie ici est une bouffée d’oxygène, un appel à la réflexion, à la promenade et à la résistance.
Emeric Cloche
Pascal Dessaint, Une femme sauvage, éditions Salamandre, 2024, 125 pages, 19 €