Avec une introduction d’emblée mystérieuse qui pose les bases d’un récit de guerre, de souffrance et d’enquête, Comme si nous étions des fantômes de Philip Gray parvient en quelques lignes à passer de l’ambiance aseptisée d’un hôpital de guerre à celle d’une vie paisible et bourgeoise en Angleterre. Non loin, la 1ère guerre mondiale gronde et menace d’engloutir toute sérénité.
Les descriptions détaillées et fluides donnent le cadre, le ton, les personnages et leur profondeur. Les décors deviennent sublimes malgré leur teintes sombres et étranges, on peut sentir la moiteur de l’air et la tension des protagonistes, tant et si bien que la lecture devient cinématographique. Elle nous transporte dans un univers nouveau fait de boue, de sang, de violence mais aussi de courage et d’amour.
On y découvre l’histoire d’Amy, une jeune anglaise de bonne famille éprise d’Edward, un homme sans aucun statut. Prenant d’abord des allures de romance dramatique Shakespearienne, l’histoire des personnages est bientôt recouverte par le voile sombre sombre de la guerre, transformant leur mentalité, s’emparant de leur destin et les remodelant à mesure qu’une intrigue beaucoup plus policière et sinistre se forme. Bientôt Amy quitte l’Angleterre suite à un courrier l’informant de la disparition d’Edward sur le champ de bataille, réquisitionné pour combattre dans la Somme. Elle se retrouve en France, à marcher dans les pas de l’homme qu’elle aime pour retrouver un corps, un souvenir, ramener avec elle en Angleterre tout ce qu’elle pourra rapporter et ne pas laisser la guerre lui arracher jusqu’à la moindre miette de celui qu’elle aime. Mais plus elle avance parmi les vestiges des combats et des corps, plus ses découvertes lui laissent penser qu’il y a davantage derrière tout ceci qu’une simple disparition.
Comme si nous étions des fantômes fait partie de ces ouvrages dont vous ressortez avec des images plein la tête. Les personnages sont passionnants dans leur complexité mentale et le choix de leurs actions, leur donnant une présence, une réalité et nous tenant en haleine au fil de leurs péripéties. L’authenticité des décors et des situations de guerre est poignante et dépeint un portrait assez unique de cette période, en abordant des thèmes souvent passés sous silence. Mais surtout l’intrigue qui se forme lentement, discrètement et qui transforme l’atmosphère tout au long du roman, réussit à nous clouer aux pages pour comprendre le fin mot du mystère.
Ce roman fait partie de mes coups de cœur, sans aucune hésitation ! Il m’a fait vivre un voyage comme j’en ai rarement vécu au cours de mes lectures. L’enquête, dont les indices sont disséminés un peu partout, a été grisante à décortiquer à mesure que de nouveaux éléments venaient s’ajouter. Il était aussi plaisant d’avoir pour héroïne une femme, qui plus est se rendant sur les champs de bataille, ce qui nous offre un point de vue différent sur ce milieu si particulier. Je conseille sans hésiter cet ouvrage à tout ceux qui aiment les bonnes enquêtes et les histoires mêlant la brutalité de l’existence à ses côtés les plus doux.
Marie Albert
Philip Gray, Comme si nous étions des fantômes, Sonatine, 2023, traduit par Elodie Leplat, 504 p., 23,90 €. Parution poche 10/18.
