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Théorie de la disparition de Séverine Chevalier

Théorie de la disparition de Séverine Chevalier

Cesser d’être « femme de ». Voilà ce qui arrive à Mylène à 69 ans. Tout commence quand elle voit deux autrices s’embrasser dans un festival de polar. Pour elle, l’évènement devient « les lèvres ». Théorie de la disparition de Séverine Chevalier débute à Toulouse et s’achève au cimetière.

« J’ai présumé, sans m’en rendre compte, que pour avoir le droit de vivre je devais globalement faire la morte. »

Mylène est femme d’auteur. Discrète, effacée. Après ce festival à Toulouse, elle accompagne Mallaury pour une résidence près de la centrale de Paluel. L’autrice cadence ses chapitres en empruntant au vocabulaire du nucléaire. Son personnage va de l’incident vers l’accident. L’épisode « les lèvres » aurait-il provoqué en elle une fission ?

Séverine Chevalier se frotte à l’autofiction, à la fiction de l’autofiction. La centrale de Paluel existe et se situe en Normandie. Un employé y a vraiment été enfermé pendant quatre jours. Un salon du polar a bien lieu dans la ville de Toulouse. Dès lors, quels autres éléments sont tirés du réel ? Est-ce important ? Les strates sont nombreuses dans Théorie de la disparition, comme dans tout bon roman où fond et forme font corps.

L’histoire personnelle de Mylène, qu’on imagine en alter (sans) ego de l’autrice, agit comme un révélateur de notre monde. Les silencieux et les mal à l’aise y disparaissent. D’autres s’effacent et deviennent transparents. Ce sont ces interstices dont parle le livre. Il se compose de bribes. Des secrets de famille, des souvenirs, des sensations. Des invisibles, des morts qui nous entourent. Les connaisseurs de Séverine Chevalier retrouveront certains de ses thèmes. Le récit montre une renaissance profondément touchante, de la disparition à la réapparition. Il est porté par l’écriture incomparable de l’autrice.

Sur Instagram, Séverine Chevalier s’amuse à trouver les raisons de ne pas lire son livre. « Il est beaucoup trop court pour être honnête c’est limite du foutage de gueule ». La brièveté de Théorie de la disparition est tout l’inverse. Un appel à l’intelligence. Il y a là comme une invitation, une porte ouverte à qui voudra la franchir.

Caroline de Benedetti

Séverine Chevalier, Théorie de la disparition, La manufacture de livres, 2025, 14,90, 166 p.