Le monde de demain s’annonce de plus en plus violent. L’actualité nous le dit, notre pessimisme aussi, et Tiger d’Eric Richer se met au diapason. L’auteur français situe son deuxième roman à une époque pas si lointaine, dans une Chine où les livraisons se font par drone et le « Prince Rouge actuel prône le Grand Retour de la Doctrine ».
Dans cette société technologique, les individus vivent sous surveillance. Mais le quotidien montré par l’auteur est celui de la violence ordinaire. Les combats de chiens côtoient le trafic des corps, on vend des enfants, on cuisine des cadavres et une femme s’achète aussi facilement qu’un vélo électrique. Des images de Mad Max viennent à l’esprit.
Esad et Xujin se rencontrent dans un centre d’accueil. Il vient y déposer un enfant martyre. Elle tente d’y réparer des âmes cabossées, la sienne comprise. Le lieu évoque Forêt furieuse de Sylvain Pattieu (il faut absolument lire ce roman, voyez la chronique de Charybde). Une sorte de havre de paix, de tentative de réparer le monde. Mais chaque relation y tourne vite à l’affrontement. Il n’y a rien de paisible ou de beau. Peu de choses à aimer. Dehors, la violence d’un monde marchandise est à l’oeuvre. Dedans, les corps et les esprits ont souffert, la délivrance passe par le sang et l’éclatement des chairs.
Impossible d’évoquer ce roman sans parler de son écriture. Toute en phrases courtes, elle produit un effet d’attraction et de rejet, un peu celui ressenti à la lecture du roman d’Andrea Donaera, Je suis la bête. Tiger n’est pas un roman facile à lire et à aimer, tant le monde qu’il décrit ne donne pas envie d’y vivre. Mais c’est un roman noir âpre et fort.
Caroline de Benedetti
Eric Richer, Tiger, éditions de L’Ogre, 2021, 256 p., 20 euros
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