Après Galeux, premier roman de l’auteur amérindien Stephen Graham Jones traduit en France par La Volte, Rivages a publié Un bon indien est un indien mort. Un bon roman est un roman qu’on a lu, répondra-t-on.
Tout commence par un fait divers dramatique, raconté de façon burlesque. Pour finir en tordant les tripes du lecteur avec un petit coup de sabot de caribou derrière la tête. L’animal joue un rôle majeur ici, puisque la chasse qui a réuni quatre amis a aussi scellé leur avenir. Rick, Lewis, Gabe, et Cassidy. Pas les plus malins, à part peut-être Lewis qui a quitté la réserve, trouvé un boulot et vit en couple avec la Blanche Peta.
Dix ans plus tard, les drames débarquent. Ce n’est pas que leur vie ait été rose, au contraire. Mais la mort se rapproche et se double de phénomènes étranges, un peu comme dans ces romans d’horreur que Lewis lit et prête à sa collègue Shaney.
Outre l’étrange, les quatre amis restent marqués par la culture et la tradition. Mais la modernité est là. Peut-on devenir une star de basket quand on a 15 ans et qu’on est indienne (Denorah, la fille de Gabe) ? Comment fait-on une hutte de sudation aujourd’hui ? (réponse : avec des sacs de couchage en guise de peaux). Il faut dire aussi que l’écriture de l’auteur sait y faire, sans flonflon, travaillée, traversée par quelques belles images. Certaines scènes resteront gravées pour l’émotion et l’adrénaline qu’elles envoient, telle la dispute à mort, ou l’incroyable match de basket. « Le filet se rétracte après son passage, exactement comme les lèvres d’un vieil homme qui s’est penché pour cracher ».
On repense au Blues du coyote de Christopher Moore, ou plus récemment à Un indien qui dérange de Thomas King qui lui aussi écrit ses romans en mettant en scène les indiens d’aujourd’hui. Stephen Graham Jones a commencé à être publié en 2000. Depuis, il a reçu plusieurs prix : Bram Stocker, Shirley Jackson, Locus du meilleur roman d’horreur en 2022. Il reste donc quelques-uns de ses romans et nouvelles à découvrir en France.
Caroline de Benedetti
Stephen Graham Jones, Un bon indien est un indien mort, Rivages/Noir, traduit de l’américain par Jean Esch, 334 p., 21 euros