Serge Langlois, un acteur vieux, riche et célèbre, vit détaché du monde dans un manoir à Rambouillet. Le peuple l’aime et l’observe comme… un monument national. Il incarne une certaine mythologie. C’est un personnage que nous connaissons tous, car la presse « people » finit toujours par s’insinuer dans notre quotidien.
Monument national de Julia Deck aborde la presse « people » (les riches et leur train de vie), mais aussi le fait divers (qui en général concerne les pauvres et les classes moyennes). Dans ce manoir (nous sommes dans un huis-clos) se côtoient les maîtres, qui ne font pas grand chose, et les serviteurs, qui s’affairent. Un suspens plane sur ce faux vaudeville ; comme dans les romans de Simenon. Les pièces d’un puzzle se mettent en place et un drame se dessine. On pense aussi à Molière, à La Cérémonie de Claude Chabrol, à Balzac… ces œuvres où les classes sociales se croisent et mettent en lumière les rapports de pouvoir. En toile de fond le Covid, Instagram et les Gilets Jaunes ancrent cette histoire intemporelle dans notre époque.
Les Éditions de Minuit, avec des auteurs comme Jean Echenoz et Tanguy Viel, possèdent quelques beaux polars à leur catalogue. Ils viennent d’en rajouter un. Monument national possède un indéniable côté Agatha Christie à la française, un roman dans lequel le « qui l’a fait » (whodunit) n’est pas au centre de la lecture.
Emeric Cloche
Julia Deck, Monument national, Editions de Minuit, 2022, 208 p., 17 €