Depuis peu, la Gaspésie est entrée dans le paysage des romans policiers qui nous font voyager. La mariée de corail de Roxanne Bouchard est le deuxième roman de la québécoise à mettre en scène les enquêtes du mexicain Joaquin Moralès, sur les rives de cette péninsule.
La Gaspésie et la petite communauté de Caplan apparaissaient pour la première fois dans Nous étions le sel de la mer. On les retrouve comme on retrouve une famille, qui s’agrandit avec l’arrivée du fils Moralès, Sébastien. Ses casseroles sous le bras, au sens propre et au sens figuré, il semble là pour fuir une dispute conjugale. La Gaspésie, thérapie de couple ? Père et fils n’ont pas trop le temps d’y réfléchir, car le lieutenant est envoyé enquêter sur une nouvelle disparition de femme, capitaine de homardier.
Chez Roxanne Bouchard les enquêtes ont un parfum de classicisme. L’enquêteur parle, écoute, réfléchit. Ce n’est qu’en comprenant le passé, et les histoires de famille, qu’il approchera la vérité. Il l’atteindra au milieu de parties de pêche, de dégustations à l’auberge et de promenades le regard fixé sur un horizon qui lui renvoie souvent son propre reflet.
Un jour Cyrille Bernard m’a dit que le passé était fait de souvenir séchés et durcis posés sur le comptoir de la cuisine. Il a dit que ces instants-là, dilués dans l’eau salée des chagrins, revenaient parfois à la surface de la mémoire et qu’ils écorchaient tout, à mesure qu’ils remontaient. Depuis que je suis en Gaspésie, c’est pas juste l’eau des chagrins, mais celle de la mer que je bois malgré moi. Elle fait tout remonter à la surface.
L’autrice taille ses personnages comme les vagues façonnent la roche, avec des aspérités et de la douceur. On les aime, on les approche, on les sent vivre le temps d’une histoire. Les retrouvera-t-on pour une autre aventure, Lefebvre et son flingue jamais chargé, Simone et la vertèbre délicate à la base de sa nuque ? Chaque enquête permet aux personnages de solder quelques douleurs. Sur cette terre gaspésienne qui impose son rythme, indissociable de la mer, le lot des souffrances n’est certainement pas épuisé. Sûr, on reviendra.
Roxanne Bouchard, La mariée de corail, 2023, L’Aube Noire, 456 p., 21,90 €