Furie est une immersion dans la vie d’Alia, petite fille partie du Congo avec sa famille pour une terre étrangère, la Belgique. Le père, Eddy, est chauffeur pour un diplomate aux nombreuses maîtresses. Le soir il revêt parfois ses anciens atours de conteur magnifique et sa voix fait vivre de fabuleux personnages pour sa fille. La mère ne quitte pas son canapé et rêve devant les séries télévisées. Alia s’occupe de son petit frère Joe. Seule la tante Issa lui apporte un peu d’aide et des principes d’émancipation. C’est un foyer somme toute ordinaire, sans grand drame. Mais rien n’est imuable.
L’autrice fait du lecteur un membre à part entière de cette famille, grâce à son écriture faite d’odeurs, de sons, de couleurs et de détails. Alia joue au foot et son père l’initie à la boxe. A l’école, les autres filles sont coquettes. Alia ne cadre pas avec tous les codes. Mais elle grandit, et sa famille se transforme. En plus des difficultés du foyer, Alia prend conscience de son identité de congolaise en Belgique. Une noire parmi les blancs et les autres, d’origine grecque, italienne, turque et marocaine. Une parmi la multitude, et des moments de complicité avec certains, la haine avec d’autres. Le monde autour n’est pas plus serein, l’inquiétude domine, il faut trouver du travail et les crimes des tueurs du Brabant occupent la Une. D’autres fait divers s’insèrent dans le récit : des étrangers sont torturés par un mystérieux groupe violent. Le lecteur chemine dans cet univers à mesure que les années passent pour Alia devenue adulte. Elle, la somme de tout ce passé et de ce milieu.
Furie est un roman très touchant sur la colère d’une femme, et la violence d’une société. Avec subtilité, il mêle l’intimité d’une famille au contexte politique d’un pays. Ce qui est valable pour la Belgique, l’étant pour bien d’autres pays… Grazyna Plebanek a publié six romans mais celui-ci lui vaut d’être traduite pour la première fois en France, espérons que ce ne soit pas la dernière.
Caroline de Benedetti
Grazyna Plebanek, Furie, 2019, Emmanuelle Collas, traduit du polonais par Cécile Bocianowski, 434 p., 21 euros.